Waiting for answer This question has not been answered yet. You can hire a professional tutor to get the answer.

QUESTION

Fiche de lecture

Restitutions relationnelles versus restitutions individuelles

1

Dans l’optique systémique classique, la pensée en termes de relations (pensée circulaire) est perçue comme supérieure à la pensée en termes individuels (pensée linéaire). D’où le filon fondamental des recherches sur les systèmes et les contextes. Cette attitude théorique risque cependant d’entraîner une grave erreur. La polarisation vers une pensée hyper-relationnelle conduit à perdre de vue la dimension individuelle, c’est-à-dire la manière dont un individu se construit, élabore sa souffrance et invente ses stratégies de survie. Dans la pratique clinique et les supervisions, nous avons constaté que la « déformation systémique » pouvait faire perdre à l’individu toute consistance existentielle. La singularité de l’individu, la richesse de ses différentes facettes, ses contradictions et ses drames étaient réduits à un symptôme, à un symbole sur un génogramme ou à une marionnette mue par les fils du jeu familial.

2

Le point de vue systémique demeure certes essentiel. La pratique clinique, en effet, continue de nous présenter des situations où la psychopathologie et les souffrances sont liées à des problématiques familiales que l’on peut définir comme « prémisses dysfonctionnelles » ou encore comme méconnaissance de la réalité. Le modèle systémique classique de la circularité visait une forme de méconnaissance typique : celle qui consistait à considérer le patient désigné comme un bouc émissaire. Il était défini par la famille comme malade/dysfonctionnel, ce qui conduisait à occulter les maladies ou les dysfonctionnements de ses proches et des relations familiales. De là découlaient les classiques, et souvent efficaces, redéfinitions du problème comme familial et la « dépathologisation » du patient. Cette stratégie d’intervention reste indiquée à deux conditions :

3

  1. Avoir correctement évalué le système familial dans lequel certains membres-clés de la famille dénient leurs propres limites et vulnérabilités et les projettent sur le « patient ».

  2. Etre capable de mener une thérapie qui restructure cette défense de déni/projection.

4

Il ne s’agit cependant pas d’une stratégie invariable. L’intervention de dépathologisation ne fonctionne que si elle parvient à confronter fructueusement les membres de la famille à leurs responsabilités dans le problème en cours. Dans les faits, il n’est pas rare qu’une hypothèse systémique n’aie pas de répercussions sur les patients et leurs proches si ceux-ci sont encore bloqués aux niveaux prépsychologiques de négation.

5

Toutefois, le problème n’est pas toujours celui de la rigidité d’une définition strictement individuelle du problème (« c’est lui qui est fou », « possédé par le démon », etc.). La rigidité d’une définition exclusivement relationnelle du problème peut être tout aussi dangereuse. Il peut en effet nous arriver, et ce de façon assez fréquente, de rencontrer des systèmes familiaux qui sont prisonniers d’une définition relationnelle erronée des drames qu’ils sont en train de vivre. Dans ces situations, le drame s’alimente précisément du déni des aspects individuels de la pathologie et de la méconnaissance des responsabilités propres.

L’exemple de la violence

6

L’exemple le plus flagrant de ce type de systèmes concerne les couples où un homme violent frappe ou humilie sa compagne. Ici, le drame peut se perpétuer sur la base d’une prémisse systémique qui met sur le même plan la violence de l’homme et les défaillances/provocations de la femme. Dans ces systèmes, il est clair que la définition d’une pathologie individuelle de l’homme doit être la prémisse à toute intervention. Un projet thérapeutique familial ou de couple ne peut être fructueux que si, et seulement si, l’homme violent a vraiment accepté un programme thérapeutique visant à la résolution de son dysfonctionnement. Nous devons agir sur la croyance de cet homme qui nie son problème ou sa responsabilité.

7

Pour d’autres pathologies aussi, l’acceptation d’un état de souffrance ou demaladie individuelle doit être obtenue au début du processus pour qu’une intervention psychothérapeutique, individuelle ou relationnelle, puisse avoir lieu. C’est le cas par exemple des dépendances : alcoolisme, anorexie, jeu de hasard, etc.

Exemple clinique 1

8

Récemment un collègue nous a présenté en supervision une demande de thérapie de couple formulée par des personnes ayant déjà été traitées à de nombreuses reprises mais apparemment sans aucun résultat. Il nous a semblé évident que répéter une fois de plus la définition d’un problème de couple, non seulement n’apporterait rien de nouveau, mais favoriserait sans doute une sérieuse mystification : celle de mettre sur le même plan les responsabilités de chacun des conjoints. Même s’il n’y avait pas de témoignage patent de violence physique, la dynamique sado-masochique paraissait évidente. L’homme exerçait une domination humiliante sur son épouse qui n’était pas en mesure d’y échapper (elle avait, en effet, fait échouer de nombreuses interventions destinées à l’aider à se séparer).

9

Dans de telles situations, il est plus utile d’orienter le traitement en considérant les troubles de personnalité des deux conjoints, troubles qui s’amplifient mutuellement.

Approfondir l’étude de la personnalité

10

Approfondir l’étude de la personnalité nous paraît judicieux non seulement pour nous orienter dans les traitements individuels des patients demandeurs, mais aussi pour comprendre à quel moment, au sein même des consultations familiales, les définitions de problème de type individuel – liant le symptôme ou le problème à un trait de personnalité du patient – sont préférables à une restitution systémique classique.

11

Un accueil bienveillant de la fragilité et de la souffrance d’un patient peut faciliter une diminution de la défense de déni des autres membres de la famille. En effet, si un proche ressent le thérapeute bienveillant par rapport aux difficultés du patient, il pourra logiquement s’attendre à une attitude semblable à l’égard de ses propres limites. La procédure inverse par contre, c’est-à-dire partir de la dépathologisation, peut avoir l’avantage d’alléger pour tous le stigmate de la « maladie mentale » mais elle présente d’importants risques de confusion.

Quelle approche pour quelle situation ?

12

Un futur champ de recherche dans ce domaine devrait répondre à des questions telles que : à quel moment est-il plus efficace d’utiliser une explication exclusivement relationnelle ? Y a-t-il un avantage à fournir une explication mêlant à la fois des connotations relationnelles (égalisatrices) et des aspects individuels ?

13

Par exemple, en présence d’un problème relationnel évident et en l’absence d’une psychopathologie définie, il pourrait être indiqué de commencer par une restitution relationnelle qui mette sur le même plan les responsabilités de chacun des membres de la famille, en particulier dans les situations où le conflit se joue autour du « renvoi » de la définition de folie.

14

L’absence d’une psychopathologie structurée est un indicateur potentiel de maturité de la famille et donc d’une capacité réflexive de co-responsabilité. Mais cela ne constitue certainement pas un critère suffisant.

15

Une dynamique familiale très difficile à gérer est celle du conflit entre des parents préoccupés par des comportements à la limite du pathologique de leur fils adolescent et l’adolescent qui refuse, avec plus ou moins de colère, cette tentative de le définir comme malade ou problématique. Dans ces situations, il est préférable de privilégier une approche relationnelle prudente.

16

En présence d’une psychopathologie avérée, une explication centrée sur le symptôme en tant que défense contre une souffrance est utile afin d’apaiser la conflictualité présente en famille et créer un climat de collaboration pour comprendre et aider le patient. Cette démarche vise fondamentalement à désamorcer l’hostilité présente à l’égard du patient comme l’a indiqué Miermont (2002) à propos de la psychoéducation.

17

Concernant la position cognitive du patient, l’observation chez ce dernier d’une idéalisation de la famille et d’une autoculpabilisation nous oriente vers des explications relationnelles qui redistribueront plus correctement les responsabilités. Par contre, la diabolisation des membres de la famille nous pousse à donner des restitutions individuelles qui aident le patient à percevoir en quoi il alimente activement son mal-être.

En présence d’une psychopathologie, c’est-à-dire de symptômes spécifiques, une technique fondamentale est de mettre en lien, de façon logique et compréhensible, les symptômes avec un trait de person

Show more
LEARN MORE EFFECTIVELY AND GET BETTER GRADES!
Ask a Question